Escalade en Dauphiné - France

Presles, 4 mai 2025

Escalade fiction à Presles
jeudi 25 janvier 2007 par Michel Tollenaere

Ah, enfin, une belle journée de libre, je vais pouvoir aller grimper àPresles. Il faut dire qu’entre mes dossiers professionnels et les jours de pluie et de tempête.... il en reste peu de disponibles.

Ah, enfin, une belle journée de libre, je vais pouvoir aller grimper à Presles. Il faut dire qu’entre mes dossiers professionnels et les jours de pluie et de tempête.... il en reste peu de disponibles. Je me connecte à Escalade Dauphiné qui me fournit la liste des créneaux horaires libres dans les voies de mon niveau. Compte tenu de ma forme du moment, de la mémorable soirée d’hier avec mes copains et de mes préférences pour les dalles, on me propose Béatrix à 11h, Nosfératu à 11h ou à 14h, le Temps des Guenilles à 10h, 12h ou 15h ou Méli-Melo dans le nouveau secteur des dalles à 16h. Après une brève hésitation, je réserve Nosfératu à 11h et coche l’option Solo, puisque la dernière fois, Escalade Dauphiné m’a proposé un compagnon de cordée avec qui je ne me suis pas bien entendu. Avec l’option « solo », les systèmes de relais escamotable et de dérouleur de corde automatique seront en place ce qui me permettra de me concentrer à fond sur l’escalade. J’en profite pour réserver une automobile pour le trajet St Ismier Pont en Royans, elle passera me chercher à 9h30. De Pont en Royans ; je prendrai le téléphérique de Nugues, puis la piste cyclable qui m’amènera au pied de la voie. Là, le système de reconnaissance opto-bio-génétique m’identifiera et me permettra d’ouvrir le dérouleur de corde pour la première longueur. Ayant en ce moment l’esprit libre, je n’ai pas pris l’option « help » du site Promo Grimpe : cette option permet d’avoir dans tous les passages de la voie une aide vocale interactive qui explique quelle est la meilleure façon de passer chaque longueur, une sorte d’entraîneur permanent qui a permis des progrès fantastiques chez certains grimpeurs. De plus, d’après mes informations, cette assistance constitue une part importante du chiffre d’affaires de Promo Grimpe, la société qui gère les droits des auteurs de voies.

Hier soir, un ami m’a dit qu’il s’était mis au « terrain d’aventure » et que sa qualification lui ouvre des tas de créneaux horaires et de voies, car peu de pratiquants ont la qualification requise. Le problème est que sa copine a raté la partie théorique de l’examen : elle a confondu friend de 1-1/2 et Camlock de 12. Remarque, un autre copain a raté la partie pratique en plaçant un Rock de 3 alors qu’il fallait un cablé de 8. Les contrôleurs escalade sont de plus en plus sélectifs avec la masse des pratiquants. Il faut dire que l’élévation de la sécurité requise par les pouvoirs publics est certainement à ce prix en particulier dans les terrains qui ne sont pas sécurisés, maintenus et équipés par une société reconnue. Depuis que Presles SA, la société qui gérait le site au niveau de ses équipements, a été reprise par EuroDisney, l’entretien de l’ensemble a fait des progrès considérables. La réouverture du secteur des dalles en est un exemple puisque ce secteur a été en rénovation pendant tout l’hiver : un investissement de 6 Millions d’Euros, paraît-il ! Il faut dire que suite à la surfréquentation et à la période anarchique des années 2000 à 2010, de nombreuses voies de Presles étaient devenues impraticables, le rocher étant totalement marbré et poli, les actions de quelques amateurs aussi irresponsables qu’incompétents (sikatage, attaque acide, bouchardage...) n’ayant fait qu’aggraver l’état du rocher.

On se souvient qu’en 2004, un certain Nanard Kosinski avait équipé une via ferrata entre Topomaniaque et Vue de l’extérieur. Cet itinéraire permettait aux amateurs d’escalade d’aller voir in situ les champions de la discipline. Des Web cams avaient été installées et il était possible de commander un film vidéo numérique de son ascension. Toutefois après de nombreux actes de vandalisme, des bagarres, de nombreux troubles qui avaient fait plusieurs 20h sur TF1, et même un accident mortel, un arrêté préfectoral avait interdit pendant trois ans le secteur entre la Grotte et le Pilier du souvenir.

Presles SA avait été dans une situation financière très difficile suite à ses investissements hasardeux dans le secteur du Saint Eynard. Un énorme projet sur ces falaises proches de Grenoble avait permis d’équiper une cinquantaine de voies sur prises artificielles. Le service marketing visait le marché des grimpeurs moyens et faibles de 4+ à 6a/b en leur proposant des voies longues et des sensations de vide habituellement inconnues dans ces niveaux là. Un téléphérique avait été construit. Malgré des campagnes publicitaires nombreuses sur les grands médias nationaux, la fréquentation n’avait jamais dépassé 5 cordées par jour et par voie alors que le seuil de rentabilité était à 10. Deux responsables de Presles SA purgeaient encore une peine de privation de jouissance pour leurs malversations dans ces affaires.

Après la période morose des années 90 (voir article en annexe), le marché de l’escalade a réellement décollé en 2001. En effet, le nombre de pratiquants a connu pendant ces années 2000 un taux de croissance record de 20%/an. Les facteurs influents ont été l’image « nature » et fun de ce sport nouveau, un formidable engouement des jeunes, les mesures du gouvernement à partir de 2002 et en particulier les célèbres 20 h de travail hebdomadaires, enfin la société post industrielle, post service, celle des « leisures » comme on dit maintenant était née ; ce mouvement allait être irréversible. Des pionniers ont aussi oeuvré de façon tout à fait majeure dans ces années là, je pense à l’association Escalade Dauphiné et ses actions (forum électronique, WEB, topo, ....), au CREPS de Voiron qui a triplé ses capacités de formation de cadres, au rectorat qui grâce aux efforts sur la sécurité a pu mettre l’escalade de façon officielle dans les programmes scolaires au même titre que l’athlétisme et la natation. On retiendra aussi le nom du ministre des sports Jean Claude ROYER dont les actions ont contribué de Paris à la promotion d’une éthique très pure de l’escalade libre. Compte tenu de l’importance de ce secteur économique des loisirs, on avait même parlé de lui pour le poste de Premier ministre en 2015. Aujourd’hui, le marché est mature, le nombre de pratiquants avoisinent les 2,5 millions : grâce au système des licences et brevets, on peut avoir une comptabilité très précise du niveau et des goûts des pratiquants ce qui oriente les entreprises dans leurs démarches mercatiques et les pouvoirs publics dans leurs choix politiques. Aujourd’hui, l’escalade est, en France, le troisième sport par le nombre de pratiquants après le football et la pétanque et le second par son chiffre d’affaires juste derrière la croisière à la voile. La notoriété de nos champions est grande et même les sportifs du siècle dernier reste populaire, puisque parmi eux Bruno Fara se place devant Michel Platini et juste derrière Zinedine Zidane dont on se souvient qu’il fut le dernier vainqueur d’une coupe du monde de Football. La notoriété de Bruno Fara est certes largement due à ses voies, ses itinéraires qui sont extrêmement populaires ; un peu comme Gustave Eiffel au 20ème siècle, il est plus connu par ses œuvres que par son image. Les sites artificiels d’escalade ont pris un essor fantastique dès lors qu’ont été mises au point les techniques de « copie numérique » de longueurs complètes de rocher. Il est alors devenu banal de s’offrir le soir entre 18h et 20h le dièdre de 90 m de la face O des Drus ou même des longueurs disparues du pilier Bonatti. L’entraînement et la préparation aux expéditions en montagne a ainsi fait un bond en avant, les longueurs clés pouvant être préalablement reconnues et travaillées.

Une grande bataille juridique a eu lieu vers 2010 pour déterminer la propriété de chacune des parties qui régissaient l’escalade. En effet, les propriétaires des lieux désiraient pouvoir exploiter ce qui constituait maintenant une mine importante de revenus. Les ouvreurs, découvreurs et équipeurs s’étaient regroupés au sein de la SACEM (Société autonome des ouvreurs et équipeurs en Montagne) pour faire valoir leurs droits sur leurs œuvres et leurs copies. Les éditeurs de topos et de sites WEB réclamaient aussi leur dû sur la part de leur travail. Il a alors été admis que les documents sur les voies d’escalade étaient bien propriété des éditions promo-grimpe société dont le chiffre d’affaires a dépassé les 50 millions de francs l’année dernière. Les droits des ouvreurs sur les modèles numérisés du rocher ont été reconnus comme propriété des ouvreurs. L’arrêt « Vigier » en a défini précisément les limites en particulier dans le cas d’itinéraires qui se coupent. En effet à la suite de l’équipement contigu au « Cons qui s’adorent » d’une ligne équipée sur spits et dérouleur, il avait été admis qu’une distance de 10 m devait être respectée entre les itinéraires ; il s’en suivait que la propriété intellectuelle de l’ouvreur portait bien sur une bande de rocher de 10 m de large. Le procès sur la partie du secteur des dalles a duré 3 ans pendant lesquels le secteur est restée sous scellés. Le procès a pu avancer très vite après la découverte scientifique du siècle la datation génétique au carbone 14 et donc les experts ont maintenant la capacité de déterminer précisément quelles prises ont été utilisées lors des premières. De nombreuses incertitudes sur les ouvertures du haut ou du bas ont pu ainsi être levées. On avait pu ainsi constater que lors de la première de la voie Philflip, Pascal Tanguy s’était aidé d’une petite lunule comme point intermédiaire ce qui a parfaitement légitimé la pose ultérieure d’un spit dans le passage clef. Il semblerait que l’un des co-auteur de cette voie ait arraché cette lunule lors d’un vol ce qui a donné à ce passage un caractère mythique pendant un temps.

L’introduction massive des points d’assurage à enrouleur avec prétensionneur (brevet Bedselle) a permis de remédier au travail dans les voies puisqu’il est maintenant impossible de rester pendu en statique sur un point. Ce progrès technique contribue largement à rendre incontestable les ascensions notamment dans les niveaux de 7c à 10b où le poids de la corde après mousquetonnage fournissait parfois une aide au grimpeur en tête. La régulation électronique de tension en compétition d’escalade avait éliminé ce problème lors des compétitions internationales, mais le coût de ces équipements complexes en limitait l’usage dans le grand public.

Hier au Hitscalade sur Canal+, Bruno Fara a encore obtenu une corde d’or suite à la millionième ascension de la seconde longueur du Piri. Des copies numérique de la fantastique 2e longueur du Piri sont maintenant disponibles sur de nombreux sites artificiels du monde entier. Cette nouvelle distinction qui honore un ouvreur d’exception est d’autant plus remarquable que les précédentes cordes d’or étaient obtenues avec des longueurs bien plus faciles de niveau 5+/6a. On constate donc bien une élévation du niveau moyen de la pratique de l’escalade.

Fountain Wilderless, la pétillante association des amis d’Amy, fervente protectrice de l’espace alpin a obtenu, il y a huit ans, la protection totale du sanctuaire de la « Meije ». En effet, une mobilisation importante de ses membres a permis de protéger la montagne chère à Pierre Gaspard, Maurice Fourastier, Pierre Allain, Pierre Chapoutot et même Jean Michel Boncamp. D’une part, le réchauffement planétaire global avait fait perdre à la montagne 90% de ses glaciers, d’autre part des éboulements avaient profondément modifiés l’édifice au point que des itinéraires historiques comme le couloir Gravelotte n’était plus qu’une raillère de 300métres à 45°. Un grand plan de réhabilitation financé par l’UNESCO a permis de classer la Meije au patrimoine mondial de l’Humanité. Un chantier de cinq ans a permis de mettre en place un gigantesque système de réfrigération et de reconstruire la brèche Zygmondy dans son état de 1964. Un débat avait eu lieu car certains tenants du modernisme voulait la restituer dans son état de l’an 2000, tandis que des puristes désiraient une Meije dans l’état de la première traversée des arêtes : une solution de compromis avait donc été trouvée après qu’une solution de brèche reconfigurable à la façon des murs d’escalade eût été écartée pour des problèmes budgétaires. Ainsi aujourd’hui, l’accès à la Meije et à ses itinéraires est strictement réservé aux alpinistes qui respectent un strict code éthique : les moyens utilisés doivent être rigoureusement conformes à ceux utilisés lors de l’ouverture, crampons à dix pointes pour les corridors et pour le Z, taille de marche pour le Gravelotte et 3 pitons pour la face Sud.... Le succès de cette initiative est énorme, puisque la plupart des itinéraires sont réservés pour les cinq ans à venir. J’ai eu la chance de trouver un créneau pour faire de cette façon la voie Pierre Allain en face Sud dans trois ans. Le passage de sortie Victor Chaud au Doigt de Dieu reste redouté, bien que la pratique de l’entraînement sur le mur virtuel permette de s’y préparer au mieux. Fort heureusement, l’ensemble des espaces montagnards est maintenant géré au mieux par les pratiquants eux mêmes. La montagne Sainte Victoire a fini par être abandonnée par les grimpeurs. En effet après de nombreuses actions auprès des pouvoirs publics, les amis de Paul Cézanne avaient obtenu l’interdiction des tenues colorées pour les grimpeurs qui fréquentaient le site. Les collants fluo perturbaient effectivement les peintres amateurs qui désiraient pouvoir disposer d’une image cézanienne du site. Devant l’incertitude, aucune société ne voulait plus prendre le risque d’équiper et de maintenir un site qui risquait d’être frappé d’interdiction. Tout le monde avait encore en mémoire les pertes financières et l’échec commercial de Presles SA après l’équipement d’une bonne partie de la falaise du Saint Eynard au-dessus de Grenoble.

La saison de ski de randonnée a été remarquable avec plus de 552 milliards de skieur.mètre en Belledonne. Il faut dire qu’avec les bonnes conditions de cette année, le nombre d’itinéraires ouverts n’a jamais été aussi élevés : toutes les combes et couloirs ont été ouverts souvent pour de longues périodes. J’ai eu les dernières statistiques du site WEB rando+. La sécurité a aussi beaucoup gagné puisque tous les itinéraires sont maintenant purgés et sécurisés. Il faut bien dire que l’année 2008 est loin, à l’époque où malgré l’obligation de l’ARVA, le nombre de victimes d’avalanches avait conduit le ministre des sports à interdire la pratique de la randonnée en dehors des itinéraires ouverts par la fédération de ski alpinisme alors que seules deux amendes de 10 000 F pour défaut d’ARVA avaient été dressées par les très efficaces pisteurs.

Mon ordinateur de dictée vocale me lâche, je pars donc grimper et vous tiendrai au courant au retour. Vous pourrez suivre ma progression sur les WEB Cam de Presles.

Annexes
Depuis environ 10 ans, la fréquentation estivale de la montagne stagne. Les professionnels de la montagne le constatent, et une enquête menée par le ministère du tourisme le confirme. Depuis le sommet atteint en 1983, avec 106 millions de nuitées, ce chiffre s’est régulièrement érodé. La cause de cette désaffection, notamment près des 15 - 24 ans qui préfèrent le bord de mer, réside semble-t-il dans l’image négative que véhicule la montagne. Celle-ci, d’après l’étude menée par Sociovision- Cofremca en 1999, est jugée « trop élitiste dans son offre sportive ». Le sentiment d’inaccessibilité est renforcé par la médiatisation des exploits sportifs (par exemple en alpinisme) et troublé par l’insistance particulière des médias sur les accidents.
En outre, elle est perçue comme « ennuyeuse et peu conviviale ». En définitive, cette perception est en décalage avec les attentes des vacanciers essentiellement motivés, quand ils rêvent de montagne, par « la découverte de la nature et du patrimoine, avec le souhait de profiter de leur temps et de se laisser vivre ».(in « La lettre de l’économie et du sport » - 11 octobre 2000).


Cet article a été publié pour la première fois dans le numéro 21 de Roc Infos (juillet 2001) et dans les annales 2001 du GHM.


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